L’ACCOMMODATION FAMILIALE ET LE RESEAU DE SOUTIEN

L’ACCOMMODATION FAMILIALE ET LE RESEAU DE SOUTIEN

 

La notion d’accommodation familiale fait référence aux changements de comportement que les parents (et la fratrie) adoptent afin d’aider l’enfant à éviter ou à atténuer la détresse associée à ses troubles (modifier les habitudes familiales, participer activement aux symptômes, faciliter les comportements d’évitement liés aux troubles…).

La famille entre ainsi dans un cercle vicieux :

  • L’enfant, en détresse en raison de ses troubles, est prédisposé à rechercher l’accommodation de ses parents et à s’appuyer sur eux pour réguler son anxiété, comme le montrent les études établissant un lien entre le niveau d’accommodation et les variations du fonctionnement endocrinologique et neurologique chez l’enfant1-3.
  • Les parents sont également biologiquement prédisposés à répondre aux signaux de détresse et de peur de leur enfant4-5, comme le montrent les recherches liant la prise de décision de la mère et l’activation des neurocircuits en réponse aux signaux de détresse de l’enfant6.
  • A court terme, l’accommodation parentale atténue la détresse de l’enfant mais favorise l’évitement et augmente la dépendance de l’enfant vis-à-vis de ses parents.
  • A long terme, l’accommodation parentale contribue au maintien et à l’exacerbation des symptômes, augmentant la détresse de l’enfant et renforçant progressivement l’accommodation familiale4,5. 

Ce cycle de signalisation et de réponse chroniquement activé, impliquant les parents chaque fois que l’enfant éprouve de l’anxiété, raffermit la dynamique associée au comportement tyrannique et l’agressivité de l’enfant : par la volonté du parent d’atténuer la détresse de l’enfant, elle augmente. En outre, l’accommodation parentale ôte à l’enfant la possibilité de développer des capacités d’adaptation indépendamment de ses parents.

Dans ce cadre, l’intervention du réseau de soutien aide les parents à s’extraire de cette dynamique enchevêtrée et à se contrôler pour résister à l’attraction déclenchée par la détresse de l’enfant. En effet, les membres du réseau de soutien ne sont pas aussi motivés que les parents à intervenir pour réduire la détresse de l’enfant, et l’enfant n’est pas aussi naturellement enclin à s’appuyer sur eux pour réduire son anxiété. Ils peuvent donc contribuer à démêler cette dynamique parent-enfant et à encourager l’autonomie de l’enfant pour la régulation de son anxiété4.

L’accommodation est souvent volontaire et elle répond à la prédisposition naturelle des parents à répondre aux besoins de leur enfant mais, dans le cas de l’enfant à comportement tyrannique, elle s’installe généralement de façon coercitive, la conformité du parent répondant à la violence verbale, les menaces, les crises de colère et/ou l’agression physique. Comme indiqué dans un article que nous avons publié précédemment, le comportement tyrannique résulte d’une double vulnérabilité, les troubles de l’enfant faisant écho avec l’hypersensibilité des parents au bien-être de l’enfant7. Ces mêmes parents ne témoignent généralement pas de problème particulier avec la fratrie car la fratrie n’a pas les mêmes troubles et ne répondra pas de la même façon à cette hypersensibilité parentale.

L’implication du réseau de soutien est d’autant plus nécessaire lorsque les parents sont dépassés par la détresse de l’enfant et lorsque l’enfant exprime son anxiété de manière agressive. L’enfant à comportement tyrannique étant typiquement très sensible au regard social, l’intervention de ce réseau aidera à rétablir de frontières plus saines entre l’enfant et ses parents, permettant ainsi de réduire progressivement l’accommodation familiale et, par le même chemin, la détresse de l’enfant.

En somme, le comportement tyrannique de l’enfant n’est aucunement le résultat d’une défaillance ou des carences éducatives de la part des parents. Il répond à un système d’activation et de réponse basé sur une prédisposition biologiquement ancrée chez l’enfant et ses parents qui entraîne un mode de fonctionnement qui n’est pas adapté aux spécificités de l’enfant au comportement tyrannique. Prendre conscience des mécanismes en jeu (notion de double vulnérabilité), ainsi que du rôle clé du réseau de soutien pour briser ce cercle vicieux, est un prérequis pour que le changement de dynamique puisse s’opérer.

Références :

1 – Lebowitz, E. R., Leckman, J. F., Feldman, R., Zagoory-Sharon, O., McDonald, N., & Silverman, W. K. (2016). Salivary oxytocin in clinically anxious youth: Associations with separation anxiety and family accommodation. Psychoneuroendocrinology, 65, 35–43

2 – Lebowitz, E. R., Silverman, W. K., Martino, A. M., Zagoory-Sharon, O., Feldman, R., & Leckman, J. F. (2017). Oxytocin response to youth-mother interactions in clinically anxious youth is associated with separation anxiety and dyadic behavior. Depression and Anxiety, 34(2), 127–136.

3 – Nardini, C. L., Zacharek, S. J., Spencer, H., Odriozola, P., Martino, A., Anderson, T., Marin, C., Silverman, W., Lebowitz, E., & Gee, D. G. (2019). Parental regulation of frontoamygdala circuitry is associated with family accommodation in pediatric anxiety. Paper presented at the ADAA, Chicago, IL.

4 – Shimshoni, Y., Shrinivasa, B., Cherian, A. V., & Lebowitz, E. R. (2019). Family accommodation in psychopathology: A synthesized review. Indian Journal of Psychiatry, 61(Suppl 1), S93–S103.

5 – Shimshoni, Y., Omer, H. & Lebowitz, E.R. Non-violent resistance and family accommodation: A trans-diagnostic solution to a highly prevalent problem. Fam Process. 2022 Mar;61(1):43-57.

6 – Ho, S. S., Konrath, S., Brown, S., & Swain, J. E. (2014). Empathy and stress related neural responses in maternal decision making. Frontiers in Neuroscience, 8, 152

7 – https://www.association-react.com/2023/03/20/le-comportement-tyrannique-de-lenfant-et-de-ladolescent-est-il-plus-frequent-chez-le-csp-2/

 

 

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